Descriptive, romantique, pratique, poétique, mythologique, littéraire, commémorative… la toponymie des TAAF est riche des noms attribués par les explorateurs, les phoquiers, les pêcheurs, les scientifiques et les militaires ayant connus ces terres du bout du monde.

La conservation du patrimoine toponymique des TAAF figure dans les missions du pôle gestion et valorisation du patrimoine.

Mais, dans les faits, comment cela fonctionne ?

 

La maîtrise des toponymes d’un lieu est depuis toujours un enjeu politique. Son instrumentalisation permet de marquer un territoire, d’effacer les traces d’un passé jugé offensant ou de mettre en valeur une communauté. La toponymie correspond à une prise de possession des lieux par le langage.

La toponymie est une nomenclature, c’est-à-dire une liste de noms, et aussi la science qui étudie les noms de lieux ou toponymes, leur signification, leur évolution, leur impact. La toponymie s’intéresse aux lieux habités, aux noms de reliefs, aux cours d’eau ou encore aux voies communes. Les anciens plans permettent de localiser des sites nommés par des plantes, des usages anciens ou des noms d’animaux. Historiquement, les rivières et les montagnes auraient reçu les premiers toponymes, tandis que les villes et les terroirs reprennent plutôt des noms féodaux.

Brève histoire de la toponymie

Au XIXème siècle, les premières recherches en toponymie en France comme en Grande Bretagne permettent d’établir des dictionnaires ou Gazetteer et d’accéder aux noms anciens de lieux et d’en étudier l’évolution. On peut ainsi traverser le temps au-travers des noms de lieux et remonter jusqu’au Moyen-Âge, à l’époque romaine, indo-européenne ou encore préceltique. Afin d’uniformiser les toponymes et leur écriture, des règles ont été définies touchant l’orthographe d’un terme, ou encore l’emploi du trait d’union et des majuscules. La graphie des noms de communes et de départements français est fixée par le Code officiel géographique publié par l’Insee.

En France, alors que les Conservateurs des Archives départementales sont à l’origine des dictionnaires topographiques des départements, Auguste Longnon (1844-1911) est considéré comme le fondateur d’une toponymie méthodique et systématique.

Face à l’importance croissante de la toponymie à l’échelle internationale, l’ONU a mis en place en 1959 le Groupe d’experts des Nations Unies pour les noms géographiques (UNGEGN : United Nations Group of Experts on Geographical Names) dont la première mission fut d’établir comme nécessaire pour chaque État de se doter d’une autorité toponymique nationale. La division francophone est mise en place en 1998.

La Commission nationale de toponymie du Conseil national d’information géolocalisée (CNT du CNIG)  représente le gouvernement français aux conférences des Nations unies qui examinent les problèmes liés à l’usage des toponymes en communication internationale.

La toponymie aux TAAF

Dans les Terres australes et antarctiques françaises, les premiers arrivants nommèrent des lieux en fonction de leur utilisation, noms repris par leurs successeurs. On peut citer l’exemple de noms allemands attribués lors d’une expédition scientifique allemande en antarctique et qui furent repris ultérieurement sur une carte norvégienne. La Commission de Toponymie des TAAF a opté pour la préséance de la langue française et choisit des noms de missions antérieures à 1950, évitant ainsi d’utiliser des noms de personnes encore vivantes. Certains lieux n’ont volontairement pas été nommés, laissant ainsi l’expérience décider plutôt qu’une commission. En terre Adélie, les scientifiques émettent des propositions de toponymes nécessaires à leurs travaux.

La Commission Nationale de Toponymie (CNT) émet des recommandations aux TAAF, IGN, SHOM,…et énonce des principes généraux de toponymie. La CNT a été reconduite au sein du CNIG, lors du conseil plénier du 10 juillet 2012.

Le Scientific Committee on Antarctic Research (SCAR) et le Standing Committee for Antarctic Geographic Information (SC-AGI) travaillent avec les TAAF sur la toponymie de la terre Adélie.

Le Groupe d’experts des Nations unies pour les noms géographiques (GENUNG) avec la CNT comme représentant français n’a qu’un pouvoir de recommandation sur l’établissement de règles de toponymie. Il recommande notamment que les pays emploient un même toponyme sur un même lieu ceci afin de ne pas multiplier les toponymes.

La toponymie en terre Adélie est établie par les TAAF pour le SCAR, le SG-AGI, le Working Group on Geodesy and Geographical Information (WG-GGI) ayant une fonction d’enregistrement. Concernant la toponymie de l’Antarctique, chaque pays doit disposer d’une autorité compétente qui établit une liste de toponymes transmise aux autorités italiennes. Ces dernières sont chargées de collecter et d’uniformiser les données. Le SG-AGI publie le Composite Gazetteer of Antarctica faisant état des toponymes en antarctique.

Pour résumer, les TAAF émettent des propositions de toponymes au SCAR en tenant compte des recommandations du GENUNG et de la CNT.

Quelques dates

Un arrêté du 27 juin 1966 de M. Rolland, administrateur supérieur des TAAF, crée la Commission de Toponymie des TAAF. Cette commission, composée de quatre personnes nommées pour une durée indéterminée, doit faire des propositions de toponymes pour l’établissement de cartes pour les TAAF. La Commission de Toponymie des TAAF est la seule à pouvoir décider de la toponymie des TAAF. Elle se réfère cependant à des organismes nationaux et internationaux. De 1966 à 1971, une dizaine de réunions permettront de choisir des toponymes.

La décision du 27 avril 2001 de M. Garde, administrateur supérieur des TAAF abroge une décision du 29 juin 1998 établissant la liste des membres de la Commission de Toponymie des TAAF.

En 2009, le préfet, administrateur supérieur M. Mouchel-Blaisot abroge la décision de 2001 mais reprend la même composition de la Commission de Toponymie des TAAF.

2013 : la Commission de Toponymie des TAAF intègre la Commission du patrimoine historique et des sites archéologiques des Terres australes et antarctiques françaises.

Si un grand nombre de toponymes du subantarctique fut attribué par le Chevalier de Kerguelen, la plupart viennent de l’histoire des chasseurs phoquiers et des premiers découvreurs de ces terres. On rencontre aussi bien des toponymes français qu’anglo-saxons. La toponymie des Terres australes et antarctiques françaises nous raconte la fascinante histoire de ces territoires que Mme Delépine nous décrit de façon remarquable dans sa Toponymie des Terres australes.