Le statut des Terres australes et antarctiques françaises
Créées par la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 abrogeant le décret de 1924 qui rattachait alors ces terres au gouvernement général de Madagascar, à l’époque colonie française, les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont un territoire d’outre-mer mentionné à l’article 72-3 de la Constitution (« La loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises ») dans le titre XII « Des collectivités territoriales ». Ce territoire est une collectivité à statut particulier, régi par une clause de compétence générale : les principes de spécialité législative et d’autonomie administrative et financière s’appliquent.
La version actuelle de son statut résulte des modifications apportées par la loi n°2007-224 du 21 février 2007, qui lui rattache son cinquième district actuel et fixe ses missions, et du décret n°2008-919 du 11 septembre 2008 pris pour l’application du statut des Terres australes et antarctiques françaises. Son siège se situe depuis 2000 à Saint-Pierre de La Réunion.
Les TAAF sont placées sous l’autorité d’un administrateur supérieur, relevant depuis 2005 du corps des préfets, dont les pouvoirs sont précisés par la loi du 6 août 1955 et par son décret d’application du 11 septembre 2008. Le préfet est à la fois le représentant de l’État dans la circonscription administrative et l’exécutif du Territoire. Il se fait représenter dans chacun des districts par un chef de district.
En tant que représentant de l’État, le préfet est le dépositaire de l’autorité de l’État et il représente le Gouvernement dont il reçoit les instructions par l’intermédiaire du ministre chargé des outre-mer. Il est chargé des intérêts nationaux et du respect des lois, dirige l’action des services de l’État, assure le maintien de l’ordre public, de la sécurité et de la protection des personnes, concourt au respect des libertés publiques et des droits individuels et collectifs, et représente l’État en justice. Au nom de l’État, il exerce donc des compétences régaliennes et met en œuvre les politiques publiques, notamment environnementales. Il exerce certaines compétences du préfet délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer sur une partie de l’espace maritime, en vertu d’une délégation de pouvoirs, dont la liste est fixée par arrêté de ce dernier. Depuis le 3 octobre 2006, le préfet, administrateur supérieur des TAAF est également gestionnaire de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises.
En tant que représentant du territoire, l’administrateur supérieur veille sur les intérêts généraux de la collectivité, représente les TAAF en justice, prend tout acte et toute mesure individuelle relevant de sa compétence et peut adapter les décrets et les arrêtés ministériels aux particularités du Territoire.
Le préfet, administrateur supérieur, exerce ainsi l’intégralité de l’action publique dans les TAAF.
Il est assisté d’un secrétaire général, d’un directeur de cabinet, et dispose d’une administration supérieure qui constitue à la fois les services de l’Etat et du Territoire. Celle-ci dispose des outils d’une collectivité territoriale, notamment en matière budgétaire. Le préfet, administrateur supérieur, est également assisté des chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l’Etat installées à La Réunion.
Les Terres australes et antarctiques françaises ont la particularité de ne pas disposer de population permanente et, par conséquent, n’ont ni électeurs, ni élus, ni assemblée délibérante locale. Néanmoins, le préfet, administrateur supérieur est assisté par un Conseil consultatif. Des différents organes qui assistent le préfet, administrateur supérieur, le Conseil consultatif est le plus ancien car il a été mis en place dès l’origine par la loi du 6 août 1955. Il comprend 13 membres, qui ont chacun un suppléant. Il se réunit au moins deux fois par an. Le conseil est obligatoirement consulté sur les questions se rapportant à la gestion économique, financière et fiscale du Territoire. Il est ainsi consulté, avant que l’administrateur supérieur ne les arrête, sur le budget du Territoire, les droits, impôts, taxes et contributions de toute nature, ainsi que la réglementation et la tarification douanières du Territoire. Le conseil consultatif est également informé des projets de programmes scientifiques dans les TAAF et il peut être saisi en tant que de besoin par le ministre chargé des outre-mer ou par le préfet, administrateur supérieur, sur toutes les questions intéressant le Territoire.
Présentation des Terres australes et antarctiques françaises
Les Terres australes et antarctiques françaises sont constituées de cinq districts : l’archipel Crozet, l’archipel des Kerguelen, les îles Saint-Paul et Amsterdam (ces trois districts constituant les Terres australes, ou districts austraux), la terre Adélie en Antarctique et les îles Éparses. Ces dernières, rattachées aux TAAF depuis la loi du 21 février 2007 rassemblent les îles tropicales de l’archipel des Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India dans le canal du Mozambique, et Tromelin au nord de La Réunion.
L’ensemble des TAAF procure à la France un espace maritime (eaux territoriales et Zones Economiques Exclusives (ZEE)) de près de 2 300 000 de km² riche en ressources marines, qui contribue à donner à la France la deuxième emprise maritime au monde après celle des Etats-Unis.
La souveraineté française sur les TAAF
Cette souveraineté s’exerce dans trois contextes différents :
Dans les Terres australes (Crozet – Kerguelen – Saint-Paul et Amsterdam)
Cette souveraineté n’a jamais été contestée par aucun pays. Même si elle n’est pas menacée, il est nécessaire de l’affirmer pleinement, à la fois par la présence de bases occupées en permanence, et par une surveillance des eaux sous juridiction française (eaux territoriales et ZEE) qui entourent ces îles.
En Antarctique
La présence française en terre Adélie s’inscrit dans le contexte du Traité sur l’Antarctique conclu à Washington en 1959, qui a gelé toutes les revendications territoriales et affirmé la liberté de la recherche scientifique sur tout le continent. Elle doit donc être compatible avec les exigences du Traité qui a été complété en 1991 par le Protocole de Madrid sur la protection de l’environnement et qui fait de ce continent “une réserve naturelle consacrée à la paix et à la science”
Dans les îles Éparses
La souveraineté française est assurée par des militaires, gendarmes et/ou agents des TAAF.
Les enjeux des Terres australes et antarctiques françaises
Depuis leur découverte, les territoires austraux ont connu une histoire marquée par de multiples tentatives de mise en valeur (élevage du mouton et usine baleinière à Kerguelen, conserverie de langoustes à Saint-Paul…), qui toutes échouèrent, quelquefois tragiquement. Aujourd’hui, les districts subantarctiques n’ont pas de population permanente, mais accueillent selon les bases de 40 à 100 personnes (scientifiques et personnels techniques) qui y séjournent de six mois à un an. Les îles Éparses accueillent des détachements militaires, un gendarme, des agents chargés de la surveillance de l’environnement relevés tous les 30 à 45 jours, et ponctuellement des équipes scientifiques.
Les bases sont desservies par la mer, avec le Marion Dufresne, au départ de La Réunion vers les trois districts austraux, et avec L’Astrolabe, depuis Hobart en Australie vers le district antarctique de Terre-Adélie. Les îles Éparses sont ravitaillées par avion militaire. Cet isolement implique la mise en place par l’administration des TAAF d’une chaîne logistique complexe, indissociable de l’affirmation de la présence française permanente.
Les moyens de ravitaillement des districts
Une réserve naturelle unique
Peu d’endroits au monde abritent encore des populations animales de l’importance de celles des TAAF : manchot empereur, grand albatros, manchot royal, éléphant de mer, otarie d’Amsterdam, pétrel géant, skua, gorfous, sterne, etc., qui se comptent par dizaines de milliers suivant les saisons et les espèces.
Inscrite en juillet 2019 sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, une réserve naturelle, créée dans les îles subantarctiques en octobre 2006 et étendue en 2016 pour atteindre une superficie de plus de 672 000 km², constitue l’une des plus grandes aires marines protégées au monde et offre un cadre unique de préservation de la biodiversité subantarctique. Les îles Éparses sont également classées afin d’assurer la préservation de leur environnement par arrêté préfectoral de 1975.
La faune des territoires
Les TAAF : État local et collectivité à statut particulier
Les TAAF, territoire d’outre-mer, sont dotées de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière.
Le Territoire dispose ainsi d’un budget provenant de ressources propres (droits de pêche, philatélie, impôts, tourisme, taxes de mouillage, fondations…) complétées par une subvention des ministères de l’Intérieur, des Outre-mer et de la Transition écologique et solidaire. Comme d’autres territoires d’outre-mer, il est associé à l’Union européenne, en tant que PTOM (pays et territoires d’outre-mer) et bénéficie à ce titre d’un régime spécial, en particulier des financements du Fonds européen de développement (FED), devenu « instrument PTOM ».
Les TAAF ont également la particularité d’être soumises au principe de spécialité législative. En vertu de ce principe ancien, les textes (qu’ils soient de nature législative ou réglementaire, à l’exception des textes de souveraineté, qui s’appliquent automatiquement à l’ensemble du territoire de la République) ne sont applicables dans les TAAF que s’ils comportent une mention expresse d’applicabilité à cette fin.
La loi du 21 février 2007, qui a modifié la loi n° 55-1052, a rappelé ce principe tout en énumérant les domaines pour lesquels les dispositions législatives et réglementaires sont applicables de plein droit :
- A la composition, à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions des pouvoirs publics constitutionnels de la République, du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes, du tribunal des conflits et de toute juridiction nationale souveraine, du médiateur de la République, du défenseur des enfants, ainsi que de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;
- A la défense nationale ;
- A la nationalité ;
- Au droit civil ;
- Au droit pénal et à la procédure pénale ;
- A la monnaie, au Trésor, au crédit et aux changes, aux relations financières avec l’étranger, à la lutte contre la circulation illicite et le blanchiment des capitaux, à la lutte contre le financement du terrorisme, aux pouvoirs de recherche et de constatation des infractions et aux procédures contentieuses en matière douanière, au régime des investissements étrangers dans une activité qui participe à l’exercice de l’autorité publique ou relevant d’activités de nature à porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique, aux intérêts de la défense nationale ou relevant d’activités de recherche, de production ou de commercialisation d’armes, de munitions, de poudres ou de substances explosives ;
- Au droit commercial et au droit des assurances ;
- A la procédure administrative contentieuse et non contentieuse ;
- Aux statuts des agents publics de l’Etat ;
- A la recherche.
Sont également applicables de plein droit dans les Terres australes et antarctiques françaises les lois qui portent autorisation de ratifier ou d’approuver les engagements internationaux et les décrets qui décident de leur publication, ainsi que toute autre disposition législative et réglementaire qui, en raison de son objet, est nécessairement destinée à régir l’ensemble du territoire de la République.
Les bases TAAF
Les services de l’État et du Territoire : l’administration supérieure
L’administration supérieure des Terres australes et antarctiques françaises est organisée autour de deux directions d’objectifs (direction de l’environnement et direction des pêches et des questions maritimes), deux directions de moyens (directions des services techniques et direction des affaires administratives et financières) et trois services transversaux (cabinet, service des affaires juridiques et internationales, service médical).
Les directions et services sont placés sous l’autorité du préfet, administrateur supérieur des TAAF, secondé par le secrétaire général.
Les services territoriaux des TAAF se composent des 5 circonscriptions administratives, dénommées districts, à la tête desquelles on trouve les chefs de district, qui relèvent directement du préfet, administrateur supérieur des TAAF.
Le siège des TAAF à La Réunion
Le siège est installé depuis 2000 à Saint-Pierre de La Réunion où il regroupe environ 90 personnes. Il accueille le bureau et le cabinet du préfet, le secrétariat général et les différents directions et services. L’antenne parisienne des TAAF abrite une partie des services administratif et médical, principalement consacrée au processus médical et psychologique des recrutements.
L’organigramme des TAAF
Les chefs de district
Les chefs de district sont les représentants du préfet, administrateur supérieur des TAAF dans les différents territoires qui composent la collectivité.
Leur rôle prioritaire est de diriger les bases australes (base Alfred-Faure sur Crozet, base de Port-aux-Français sur Kerguelen, et base Martin-de-Viviès sur Amsterdam) et antarctique (base Dumont-d’Urville en terre Adélie). Le Secrétaire général des TAAF assure la fonction de chef de district pour les îles Eparses. En liaison permanente avec les services centraux des TAAF installés à Saint-Pierre de La Réunion, qui leur apportent le soutien juridique, administratif, social ou technique nécessaire, les chefs de district assurent, des missions de souveraineté et de suivi de la bonne exécution des programmes logistiques, scientifiques et de préservation de l’environnement.
Un appel à candidatures a lieu chaque année pour le recrutement des chefs de district qui officieront l’année suivante.