Conservation des Iles Éparses

Les îles Éparses sont qualifiées de « sanctuaires océaniques de la nature primitive », disposant d’un patrimoine biologique terrestre et marin remarquable. L’isolement géographique, le caractère insulaire et une occupation humaine historiquement très limitée ont largement contribué à préserver ces havres de biodiversité. Par conséquent, ces territoires sont aujourd’hui des sites de référence car ils n’ont jamais été perturbés par le développement des activités humaines (pêche côtière, urbanisation, pollutions générées par les activités terrestres, etc.).

ENJEUX DE PROTECTION DE L’environnement

Contrairement aux îles et littoraux voisins du canal du Mozambique, ces îlots ne sont quasiment soumis qu’à des menaces naturelles, notamment les effets des changements globaux (acidification des océans, variations du climat, etc.), les évènements cycloniques. En plus de servir de refuge à de nombreuses espèces protégées, ces territoires sont de ce fait des laboratoires uniques pour appréhender les impacts du changement climatique sur des modèles simplifiés afin de mieux anticiper les effets de ces derniers sur des écosystèmes anthropisés.

Photo : © Thomas P. Peschak SOSF
Photo : © @ Alexandre Laubin (TAAF)
Photo : © @ Jean Hivert
Photo : © @ Zoé Glenard

Ces îles coralliennes ont une importance majeure en milieu tropical où elles abritent des écosystèmes parmi les plus diversifiés et complexes de la planète, comme les mangroves ou les récifs coralliens. Sur certaines de ces îles, en particulier Europa, les habitats terrestres et les systèmes de végétation qui les composent sont dans un état de naturalité exceptionnel.

Chacune des îles possède des caractères uniques en termes de richesse et de diversité spécifique. A titre d‘exemple, l’île d’Europa abrite 8 espèces d’oiseaux marins nicheurs et 2 sous-espèces endémiques : un passereau, le zoosterops ou oiseau-lunette vert de Voeltzkow, abondant sur l’île, ainsi qu’un oiseau marin, le paille-en-queue à brins blancs d’Europa (Classé EN sur la liste rouge de l’UICN), dont la population atteint entre 300 et 400 couples. La population de paille-en-queue à brins rouges d’Europa est une des plus importantes de l’océan Indien avec environ 1400 couples nicheurs. Les colonies de fous à pieds rouges, de frégates ariel et de frégates du pacifique d’Europa sont quant à elles les colonies les plus importantes de l’océan Indien occidentales, après celles de l’atoll d’Aldabra. Europa et Juan de Nova hébergent parmi les plus grandes colonies de sternes fuligineuses de cette partie du monde (respectivement 800 000 et 500 000 couples reproducteurs).

Les îles Eparses jouent ainsi un rôle essentiel pour la préservation de toutes ces espèces d’oiseaux marins à l’échelle de l’océan Indien. Il est donc capital pour les TAAF de protéger ces sites de reproduction.

Au travers de leurs immenses lagons mais aussi de leurs vastes zones économiques exclusives, constituent également des « points chauds » de la biodiversité marine. Les récifs coralliens ne sont pas impactés par les activités anthropiques, ce qui en fait des milieux de référence au niveau mondial. Les plages des îles Éparses sont un des lieux de ponte primordiaux du sud-ouest de l’océan Indien pour les tortues marines (tortue verte classée principalement et tortue imbriquée), espèces menacées et protégées au titre de conventions internationales. Le lagon de l’île Europa constitue en outre une importante nurserie pour les petits requins à pointes noires de récifs.

Le canal du Mozambique, et plus particulièrement les zones économiques exclusives des îles Éparses, sont fréquenté par de nombreuses espèces de mammifères marins (plusieurs espèces de dauphins, et baleines, dont les baleines à bosses qui viennent y mettre bas pendant l’hiver austral, des cachalots, etc.). De nombreuses espèces de requins et raies croisent également au large des îles (requins soyeux, requins renard, requins océaniques, requins baleine et grands requins blancs, raies diables, raies Manta, etc.), mais aussi près des côtes (requins tigres, requins Galápagos, requins citron, ou encore différentes espèces de requins marteaux qu’il n’est pas rare de voir croiser en larges bancs le long des pentes externes des récifs coralliens). Toutes ces espèces bénéficient de mesures de protection au titre de diverses conventions et traités (Convention de Bonn CMS, Convention de Washington CITES, Convention Baleinière Internationale, Convention de Nairobi).

LES OUTILS DE CONSERVATION DU PATRIMOINE NATUREL

Face à la nécessité d’une feuille de route globale pour la préservation de la biodiversité des îles Eparses, les Terres australes et antarctiques françaises ont élaboré un Plan d’action biodiversité (PAB), qui constitue la feuille de route pour favoriser la préservation de la biodiversité terrestre et marine des îles Eparses.

Le PAB s’inscrit dans une démarche volontaire de la collectivité des TAAF, il définit pour ce territoire et pour la période 2020-2025, l’état initial de l’environnement, une stratégie de gestion de la biodiversité et une programmation opérationnelle des actions de gestion à mener. Ce document directeur s’applique à tout le district des îles Eparses, soit l’ensemble des surfaces terrestres et marines sous juridiction française des îles Europa, Bassas da India, Juan de Nova, Glorieuses et Tromelin.

Ce nouveau Plan d’action biodiversité prend donc en compte le contexte actuel des îles Eparses pour fixer des objectifs concrets et adaptés en matière de gestion de la biodiversité terrestre et marine de ces territoires. Il est prévu de mettre en œuvre ce PAB en deux phases, une première phase de 5 ans, sur la période 2020 à 2025 avec une première année de préfiguration (2020) puis, une seconde phase de 5 ans, sur la période 2025 à 2030 avec une année transitoire (2025) permettant de réaliser un bilan-évaluation de la première phase et une nouvelle programmation pour la seconde phase.

En dehors du PAB 2008, d’autres documents stratégiques organisent déjà la gestion des îles Eparses, mais de manière restreinte par thématique ou par secteur géographique : le plan national d’actions en faveur des tortues marines sur les territoires français du sud-ouest de l’océan Indien 2015-2020 (plan d’actions régional et plan d’actions des îles Eparses), le plan d’action local IFRECOR 2016-2020 et le plan de gestion du site Ramsar Europa 2017-2021.

Le PAB 2020-2025 englobe ces documents dans le but de coordonner l’ensemble de ces plans d’action et de définir une stratégie de gestion globale et cohérente au bénéfice de la conservation de la biodiversité des îles Eparses. Il offre ainsi un nouveau cadre d’élaboration des futurs documents de gestion thématiques et géographiques des îles Eparses.

Le PAB 2020-2025 constitue une déclinaison territoriale et opérationnelle des stratégies nationales actuelles :

– Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020 (future stratégie nationale pour la biodiversité 2021-2030 en cours d’élaboration) et le Plan Biodiversité 2018 – Stratégie nationale pour la création et la gestion des aires marines protégées 2012-2020 (future stratégie pour les aires protégées 2021-2030 en cours d’élaboration)

– Plan d’action national IFRECOR 2016-2020 (future plan d’action national 2021-2025 en cours d’élaboration)

– Stratégie nationale relative aux espèces exotiques envahissantes 2017

Le PAB s’inscrit également dans les engagements pris par la France, notamment au titre des Conventions et stratégies internationales et régionales suivantes :

– Convention sur la diversité biologique (CDB) et son plan Stratégique 2011-2020 ou Objectifs d’Aichi (Cadre stratégique 2021-2030 en cours de négociation)

– Agenda 2030 pour le développement durable

– Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS) et l’Accord intergouvernemental pour la conservation des tortues marines et de leurs habitats (IOSEA)

– Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage (CITES)

– Convention de Nairobi pour la protection, la gestion et la mise en valeur du milieu marin et côtier de la région de l’océan Indien occidental

– Commission des thons de l’océan Indien (CTOI)

 

LA RESERVE NATURELLE NATIONALE DE l’ARCHIPEL DES GLORIEUSES

Décret n°2021-734 portant création de la réserve naturelle nationale de l’archipel des Glorieuses (Terres australes et antarctiques française) a été signé le 8 juin 2021.

Photo : © Stéphanie LEGERON

Situé au nord du canal du Mozambique, l’archipel des Glorieuses fait partie du district des îles Eparses administré par les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). L’archipel des Glorieuses et les espaces maritimes attenants abritent une biodiversité remarquable et très préservée (plus de 450 km²de récifs coralliens et d’herbiers). Brassé par des courants marins forts qui favorisent la connectivité avec les îles et les côtes voisines, l’archipel des Glorieuses, les bancs et monts sous-marins de sa ZEE constituent un réservoir de biodiversité à l’échelle régionale. Elles jouent ainsi un rôle essentiel pour la préservation des écosystèmes dans un contexte régional soumis à de fortes pressions anthropiques. Plus de 3 000 espèces ont été inventoriées aux Glorieuses dont une quarantaine menacées d’extinction sur la liste rouge mondiale de l’UICN.

L’archipel constitue un site clé pour la reproduction des tortues vertes de l’océan Indien. Quelques tortues imbriquées, espèce en danger critique d’extinction, viennent également s’y reproduire. L’île du Lys abrite d’importantes colonies d’oiseaux marins, notamment près de 300 000 couples de sternes fuligineuses.

La richesse de la biodiversité marine de Glorieuses et l’enjeu de sa protection sur l’ensemble de sa ZEE avait amené à la création en 2012 d’un Parc naturel marin (seul outil alors applicable sur la ZEE), dont la gestion était confiée à une direction déléguée de l’office français pour la biodiversité (OFB). Face à l’augmentation des pressions (pêche illégale notamment) et à l’enjeu de l’inclusion du périmètre terrestre, les TAAF et l’OFB ont porté une réflexion sur l’évolution du statut de protection de ce territoire. L’outil de Réserve naturelle nationale a ainsi été identifié comme l’outil le mieux adapté pour répondre aux enjeux écologiques sur ces territoire.

RECONNAISSANCE INTERNATIONALE

Ces îles sont restées globalement très préservées des activités humaines, permettant d’afficher un niveau de naturalité et un état de conservation exceptionnel dans une région (Sud-ouest de l’océan Indien) soumise à des pressions anthropiques croissantes. L’importance du patrimoine naturel régional et des îles Eparses est largement reconnue à l’échelle internationale :

– les îles Eparses font partie du Hotspot de Biodiversité de Madagascar et des îles de l’océan Indien. La reconnaissance de ces Hotspots est fondée sur la richesse de leur biodiversité (en termes d’endémicité principalement) mais également sur les menaces pesant sur cette biodiversité. 36 Hotspots de biodiversité ont été identifiés à l’échelle mondiale ;

– les îles Eparses constituent, ou sont inclues dans 4 des 320 Aires marines d’importances écologiques et biologiques (AMIEB) identifiées par la Convention sur la diversité biologique (CDB) : (1) îles Eparses (Europa, Bassas da India, Juan de Nova et les Glorieuses), (2) Tromelin, (3) Canal du Mozambique (incluant Europa, Bassas da India, Juan de Nova et les Glorieuses), (4) Nord du canal du Mozambique (incluant les Glorieuses). La reconnaissance des AMIEB est fondée sur l’importance fonctionnelle de la zone pour une ou plusieurs espèces d’un écosystème, ou l’ensemble d’un écosystème sur la base de critères incluant la rareté/unicité, l’importance pour certaines étapes de la vie des espèces, l’importance pour des espèces ou habitats menacés , la vulnérabilité, la naturalité, la diversité ou la productivité biologique ;

– les eaux des îles Europa, Bassas da India et Glorieuses sont incluses dans 2 aires d’importance pour les mammifères marins (IMMA) identifiées par l’UICN : (1) Sud-ouest de Madagascar et canal du Mozambique, (2) Chaîne des Comores et bancs récifaux adjacents. La ZEE de Juan de Nova est par ailleurs incluse dans un site candidat au statut d’IMMA (Centre du canal du Mozambique) ;

– chacune des 5 îles Eparses est reconnue comme une Zone clef pour la biodiversité (Key Biodiversity Areas ou KBA) identifiées par l’UICN. Les KBA sont des sites désignés pour leur contribution significative au maintien global de la biodiversité. 16 315 KBA ont été reconnues à l’échelle mondiale ;

– les îles Europa, Juan de Nova, Glorieuses et Tromelin sont toutes les 4 reconnues comme des Zones d’importance pour la conservation des oiseaux (Important Bird Areas ou IBA) identifiées par BirdLife International. Les IBA sont un réseau de sites clés pour la viabilité des populations d’oiseaux. A l’échelle mondiale, 13 509 IBA ont été identifiées ;

– l’île Europa est classée depuis 2011 en tant que zone humide d’importance internationale au titre de la Convention de Ramsar. Le classement des sites Ramsar est soumis à un certain nombre de critères et validé lors des Conférences des parties à la convention. Le classement d’un site engage l’Etat concerné à prendre les mesures nécessaires pour garantir le maintien de ses caractéristiques écologiques. A l’échelle mondiale, 2 412 sites ont été classés en Zone humides d’importance internationale ; Fiche RAMSAR – île d’Europa

– l’île Europa est inscrite depuis 2014 dans le réseau des sites d’importance pour les tortues marines de l’océan Indien (IOSEA Marine Turtles). Le réseau des sites d’importance pour les tortues marines de l’océan Indien comprend à ce jour 12 sites.