Le Phaéton à bec jaune d’Europa (Phaethon lepturus europae), également appelé Paille en queue à bec jaune d’Europa, endémique de l’île et sous-espèce du Phaéton à bec jaune (Phaethon lepturus), est menacé de disparition à très court terme. La principale cause de cette baisse de population est la prédation des œufs et des poussins par les rats noirs (Rattus rattus), une espèce introduite accidentellement par les navires au XIXe siècle et abondante sur cette île. Le projet RECI (Restauration des écosystèmes insulaires de l’océan Indien) vise notamment, à favoriser le succès de reproduction de la population de Paille en queue à bec jaune d’Europa.
Le Phaéteon à bec jaune, reconnaissable à sa queue prolongée de deux longues plumes blanches, est largement distribué dans les zones tropicales et subtropicales des océans. Il se nourrit généralement en pleine mer de petits poissons, de calmars et parfois de crustacés. Cet oiseau marin est en déclin à l’échelle mondiale en raison de la prédation par des espèces exotiques envahissantes (BirdLife International, 2018).
L’île Europa, qui constitue un site remarquable pour la biodiversité en raison de son climat unique, de son isolement prononcé, de sa diversité, jouit d’un état exceptionnel de conservation de ses habitats naturels. L’île héberge une sous-espèce endémique totalement isolée des autres populations de Phaéton à bec jaune.
Décrite par Le Corre et Jouventin (1999), le Phaéton à bec jaune d’Europa (Phaethon lepturus europae) a été identifié sur la base de différences morphologiques, notamment sa petite taille et sa couleur de plumage, plus jaunâtre, sensiblement distincte des autres individus de l’espèce (Humeau et al., 2020). Son isolement génétique peut être expliqué par les faibles relations écologiques existantes de part et d’autre de la partie centrale du canal du Mozambique, et d’autres facteurs tels que la fidélité au lieu de naissance.
Une forte décroissance de la population de Phaéton à bec jaune d’Europa est néanmoins attestée depuis quarante ans sur l’île, où elle est classée.
En 1974 il était estimé que plus de 1000 couples de Phaéton à bec jaune nichaient sur l’île (Barré et Servan, 1988). Par la suite, les suivis scientifiques réalisés n’identifiaient plus que 500 à 1000 couples en 1997 (Le Corre et Jouventin, 1997), moins de 500 couples en 2017 (TAAF, 2017) et environ une centaine en 2019 (TAAF, 2019).
Sur la période 2018-2019, le succès de reproduction du Phaéton à bec jaune d’Europa est estimé à 2 % (TAAF, 2019). Avec un succès reproducteur aussi faible, le recrutement annuel de nouveaux adultes est susceptible d’être proche de zéro, ce qui pourrait entraîner une extinction de la population dans un avenir proche : dans une trentaine d’années en suivant un scénario optimiste et dans moins d’une quinzaine d’années avec les hypothèses les moins favorables (Humeau et al., 2020 / Saunier et al., – in press). Par effet cascade, la disparition de l’espèce bouleverserait profondément le fonctionnement des écosystèmes de l’île.
Le Phaéton à bec jaune d’Europa, tout comme les sept autres espèces d’oiseaux marins qui viennent se reproduire sur l’île, est menacé par la prédation des œufs et des poussins par les rats noirs (Rattus rattus), introduits accidentellement par les navires et abondants sur l’île (Russell, Ringler, Trombini et Le Corre, 2011).
Pour Humeau et al. (2020), l’isolement génétique et géographique de la sous-espèce, le déclin rapide de sa population et la présence de mammifères introduits justifient de classer le Phaéton à bec jaune d’Europa dans la catégorie « en danger critique d’extinction » de la Liste rouge de l’UICN et le besoin urgent d’adopter des mesures de conservation pour endiguer le déclin de cette espèce.
L’éradication du rat noir est aujourd’hui considérée comme prioritaire pour enrayer le déclin de la biodiversité de l’île Europa, et notamment du Phaéton à bec jaune.
Dans ce contexte, et dans le cadre de la programmation du 11e Fonds Européen de Développement des Pays et Territoires d’Outre-Mer région océan Indien, les TAAF pilotent un large programme de conservation dans les Terres australes françaises et les Îles Éparses, en lien avec leurs partenaires régionaux.
Ce programme, intitulé « Restauration des écosystèmes insulaires de l’océan Indien » (RECI), vise la restauration écologique des écosystèmes insulaires et menacés, et en particulier la lutte contre les espèces exotiques envahissantes dans l’océan Indien. Il prévoit ainsi des opérations d’éradication de populations de mammifères exotiques envahissantes, et également une étude de faisabilité pour l’éradication du rat noir sur l’île Europa.
Dans l’attente d’une opération d’éradication visant à supprimer sur le long terme la prédation par les rats, une mesure de limitation est mise en place pour favoriser le succès de reproduction des espèces. Des dispositifs de piégeage des rats noirs ont été installés autour de nids de Phaéton à bec jaune et sont régulièrement contrôlés par les agents de terrain des TAAF.
Les premiers résultats de ce dispositif sont encourageants. La mise en protection de deux premiers nids a permis la survie et la croissance de deux jeunes phaétons jusqu’à leur envol dans le courant de l’année 2022. Ils viendront ainsi renforcer les rangs de cette population sur l’île Europa.
Références
Barré, N., & Servan, J. (1988). L’avifaune des Îles Éparses. ICBP, Monographie, 5, 209–224.
BirdLife International (2018). Phaethon lepturus. The IUCN Red List of Threatened Species 2018.