Les rongeurs introduits aux 18ième et 19ième siècles sur l’île, ont infligé de graves dommages écologiques et continuent à impacter grandement la biodiversité de l’île Amsterdam. Dans le cadre du projet RECI (Restauration des écosystèmes insulaires de l’océan Indien), les Terres australes et antarctiques françaises ont mené une opération d’éradication des rongeurs et des chats harets, sur l’île d’Amsterdam. Cette opération est financée par l’Union européenne dans le cadre du 11e Fond Européen de Développement (FED-PTOM).
En avril 2024, une équipe de 16 personnes a été déployées sur l’île Amsterdam pendant 4 mois afin de restaurer les écosystèmes de l’île à travers l’éradication des rongeurs. Cetteopération a fait appel à des moyens aériens (2 hélicoptèresde la compagnie réunionnaise Hélilagon) pour l’épandagedes 185 tonnes de granulés contenant du rodonticide sur l’ensemblede l’île, ainsi qu’à l’ONG Island Conservation en tantque consultant technique rompu aux opérations de ce type. L’ensemble de l’équipe a également bénéficié du soutien des 25 hivernants déjà sur place.
Impacts des rongeurs sur l’île Amsterdam
Les rats prédatent les oeufs et les poussins des oiseaux marins. Ils sont également vecteurs de maladies. En effet, des épidémies importantes et répétées provoquantla mort des poussins d’albatros à bec jaune ont été signalées sur l’île et associées à la détection de la bactérie du choléra aviaire. La transmission de cet agent pathogène entre les individus d’une même colonie semble fortement liée aux rongeurs (Gamble et al. 2020, Jaeger et al. 2020). Ces deux pressions cumulées engendrent un déclin des populations aviaires et menacent leur conservation sur le moyen terme. Les rongeurs ont également un impact important sur les invertébrés et la flore de l’île par leur consommation. Ainsi, l’île Amsterdam est aujourd’hui considérée comme l’une des huit îles au monde où l’éradication des mammifères introduits aurait le plus grand bénéfice en termes de préservation de la
biodiversité (Holmes et al 2019).
Des espèces emblématiques à protéger
En raison de son isolement et de son éloignement, l’île Amsterdam est un sanctuaire pour la faune et la flore. Les écosystèmes terrestres qui se sont développés dans des conditions climatiques particulières présentent des caractéristiques uniques dont une forte endémicité et des adaptations originales :
• 17 plantes à fleurs autochtones dont 2 endémiques strictes à Amsterdam
• 1 arbre autochtone : le Phylica arborea, seul arbre indigène des Terres australes françaises
• 23 espèces d’insectes identifées comme endémiques
• 9 espèces d’oiseaux marins reproducteurs
• Site de reproduction de l’albatros d’Amsterdam, espèce endémique d’albatros la plus rare aumonde
• 70% de la population mondiale d’albatros à bec jaune de l’océan Indien
• Seule population de gorfous sauteurs du Nord à l’échelle de l’océan Indien
• Population d’otaries qui viennent sur l’île pour se reproduire
Déroulé de l’opération
Afin d’éviter le dérangement des oiseaux et mammifères marins, les interventions ont été réalisées en dehors des périodes de reproduction, lorsque les animaux sont en mer. Au regard de la taille d’Amsterdam (55 km²) et de sa topographie (falaises et zones inaccessibles), un épandage du rodonticide par voie aérienne constituait la seule alternative pour traiter l’intégralité de l’île, et c’est une méthode qui a prouvé son efficacité sur d’autres opérations à travers le monde. Le rodonticide retenu pour cette opération est le brodifacoum (produit PestOff 25 R, de la compagnie Orillon, Nouvelle Zélande), anticoagulant de seconde génération, matière active la plus utilisée dans les projets d’éradication des rongeurs à travers le monde depuis plus de trente ans. Le taux de substance active dans les granulés est très faible. Les appâts de rodonticide, sous forme de granulés, sont composés à 99,998% d’ingrédients biodégradables (céréales, sucre, cire), le reste étant la substance active (anticoagulant
de seconde génération).
Suivi post-éradication
Environ 250 stations biosécurité ont été installées sur la base en fin de mission. Ces stations, équipées d’un bloc de rodonticide et une tapette à rongeur, permettent de détecter et de neutraliser toute nouvelle introduction de rongeurs sur l’île . Ce système a pour vocation de rester sur place et d’être maintenu opérationnel après chaque passage de navire.
Éradication du chat haret
Dans le cadre de l’éradication programmée de la population de chats harets, 20 individus ont été prélevés entre 2020 et 2022. Aucune nouvelle observation directe ou indirecte n’a été réalisée depuis, malgré un effort important de monitoring spécifique sur le terrain. Le succès de l’éradication des chats harets de l’île Amsterdam est ainsi considéré comme très probable, mais pourra être définitivement validé concomitamment à celui des rongeurs.
Bénéfices attendus pour la faune et la flore de l’île Amsterdam
L’éradication des mammifères introduits sur l’île Amsterdam supprimera leurs impacts sur la biodiversité native, préviendra les risques d’extinction d’espèces et contribuera à restaurer les processus écologiques terrestres et côtiers. Il est attendu, en particulier :
• Pour les oiseaux marins : l’augmentation significative des populations par un meilleur succès de reproduction, la recolonisation des espèces d’oiseaux marins disparues et la limitation des maladies infectieuses(choléra aviaire)
• Pour les invertébrés : le rétablissement et l’expansion de la population d’invertébrés indigènes (consommée par les rongeurs)
• Pour la flore : le retour progressif des espèces indigènes dans les basses terres et l’amélioration de la reproduction et de larégénération naturelle du Phylica arborea, seule espèce arbustive indigène des Terres australes françaises.
Pour Amsterdam, au vu de sa superficie et de l’inaccessibilité d’une partie de l’île, l’opération sera considérée comme une réussite après 2 années sans observation de rongeur ou trace de présence. Aussi, même si aucun rongeur n’a été observé sur l’île depuis la fin dupremier épandage en juillet, il convient de rester très prudent.