Partenariat TAAF/OTICE : le suivi d’une station hydroacoustique contribue à l’amélioration des connaissances sur les milieux marins de Crozet

11 Août 2022   —  Terres australes et antarctiques françaises

Grâce à leur positionnement géographique unique, les TAAF abritent depuis plusieurs années des projets stratégiques de niveau international dans certains de leurs districts. Ainsi depuis 2016, l’Organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (OTICE) a installé en baie du Marin, dans le district de l’archipel Crozet, une station hydroacoustique (HA04) qui s’inscrit au sein d’un réseau mondial de détection de potentiels essais nucléaires.

 

Cinq ans après, les TAAF, en partenariat avec le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et l’Université de Bourgogne, et l’armateur du Marion Dufresne Louis Dreyfus Armateurs (LDA), ont coordonné de mi-octobre à mi-novembre 2021 une vaste opération technique sous-marine : celle-ci visait non seulement à vérifier l’état des câbles du dispositif HA04 et à évaluer leur impact potentiel sur l’environnement, mais également à améliorer la connaissance des milieux marins côtiers par la mise en place d’un programme de suivi scientifique. Cette mission inédite a été un succès, notamment du fait de l’expertise mobilisée et de la bonne collaboration entre l’ensemble des partenaires.

“HA04” : station de surveillance d’essais nucléaires

En 2016, l’OTICE a implanté, en collaboration avec le CEA, la station hydroacoustique HA04 dans les eaux de Crozet. Cette station est notamment constituée de deux hydrophones indépendants, installés sur deux câbles d’environ 50 km de long et dont l’atterrage est situé en baie du Marin. Cette station est notamment constituée de deux triplets d’hydrophones indépendants, installés sur deux câbles d’environ 50 km de long et dont l’atterrage est situé en baie du Marin.

Cette installation est l’une des onze stations hydroacoustiques du Système de surveillance international (SSI) qui surveille la Terre en permanence à la recherche de signe d’explosion nucléaire, pour le compte du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE). Les données issues des hydrophones immergés sont envoyées via les câbles sous-marins à la station située sur l’île de La Possession, puis transmises par satellite au siège de l’OTICE à Vienne où elles sont traitées par le Centre international de données (International Data Centre), et partagées avec les États membres de l’Organisation.

Vérification de l’atterrage du câble en baie du Marin
Prélèvements intertidaux
Préparation du ROV sur le Marion Dufresne
Mise à l’eau du ROV
Pôle de surveillance du ROV dans le PC science du Marion Dufresne
Pôle de surveillance du ROV dans le PC science du Marion Dufresne
Pôle de surveillance du ROV dans le PC science du Marion Dufresne
Les plongeurs en action à bord du Commerson

Un partenariat inédit permettant d’assurer un suivi de l’état du câble au profit d’une meilleure connaissance des écosystèmes côtiers de Crozet

En marge de l’inspection des câbles, les TAAF ont signé un accord de partenariat avec l’OTICE afin de réaliser une mission d’évaluation de l’état des installations et de leur potentiel impact environnemental, mais également de mettre en place un programme d’amélioration des connaissances des milieux marins benthiques (espèces vivant dans ou à proximité des fonds marins) de Crozet.

Fort de l’expertise de l’armateur LDA en matière de suivi de câble sous-marin, et avec l’appui de l’Université de Bourgogne qui a développé un programme similaire de suivi environnemental des milieux marins et de caractérisation des habitats des communautés benthiques à Kerguelen (programme Proteker), cette mission de terrain inédite a été réalisée pendant l’OP3-2021 du Marion Dufresne.

Elle s’est appuyée sur les premières données océanographiques collectées par l’OTICE, lors des inspections des fonds marins réalisées en 2016.

En raison de leur similitude supposée avec la zone des câbles et de leur orientation géographique, deux grandes zones ont pu être explorées : la baie du Marin, point de départ des câbles, et la crique du Sphinx, située légèrement au nord de la baie. Les études menées ont été de deux types :

> Un premier niveau d’opérations ont consisté en la réalisation de plongées en scaphandre autonome à moins de 20 m de profondeur, où différentes actions ont été menées :

– des prises de vue vidéo et des prélèvements parcimonieux d’individus ont été réalisés pour les besoins d’identification de spécimens et d’analyses génétiques, le long du câble et sur ses abords proches, ainsi que sur plusieurs sites servant de référence et de point de comparaison avec le site du câble. Ces relevés permettront également de caractériser les communautés benthiques et de cartographier les habitats côtiers des sites choisis ;

– des loggers enregistrant la salinité et la température pour le suivi long terme des paramètres physico-chimiques ont été installés ;

– des placettes de recrutement permettant le suivi des dynamiques de colonisation sur le long terme et la surveillance des espèces exotiques envahissantes ont été mises en place.

 

> Au-delà de la zone des 20 m où le travail en plongée n’est pas possible, des prises de vue vidéo furent effectuées à l’aide d’un ROV (Remotly Operated Vehicule) selon des radiales partant des sites explorés en scaphandre autonome et s’éloignant vers le large (jusqu’à une profondeur de 50 m en moyenne).

Les premières observations attestent du bon état général du câble ; des analyses scientifiques complémentaires sont actuellement en cours pour évaluer plus précisément l’impact potentiel des câbles sur l’environnement.

Améliorer la connaissance des fonds marins : un des objectifs fixés par le plan de gestion de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises

L’archipel Crozet abrite des écosystèmes marins riches et diversifiés, permettant d’accueillir plus de 50 millions d’oiseaux marins, soit la plus forte concentration au monde. La synthèse réalisée par le programme CROMEBA (Koubbi et al, 2016) met en évidence une importante productivité primaire et secondaire, liée à la présence du large plateau de Crozet et celui de Del Cano, ainsi qu’à la proximité de trois fronts océaniques (subtropical, subantarctique et polaire).

Concernant les organismes de fonds, les informations sont en revanche plus parcellaires. Quatre taxons indicateurs d’Ecosystèmes Marins Vulnérables (EMV) ont déjà été identifiés parmis les 12 groupes définis par la CCAMLR (2009) ; l’archipel Crozet pourrait en abriter un nombre plus important puisque les données disponibles suggèrent un fort niveau d’endémisme caractéristique des îles subantarctiques.

Le plan de gestion de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises rappelle la nécessité de bénéficier d’une connaissance solide des espèces présentes et d’une cartographie de leurs habitats, préalablement à la définition de toutes mesures de protection. Cette opération technique sous-marine représentait donc une très belle opportunité pour améliorer cette connaissance ; elle a permis la collecte d’un certain nombre de données qui sont actuellement analysées par les scientifiques.