CONTEXTE DU PROJET
Les îles Eparses situées dans le canal du Mozambique et au nord de la Réunion, d’une importance primordiale, abritent des écosystèmes parmi les plus diversifiés comme les récifs coralliens, les mangroves et les herbiers de phanérogames marines (aussi appelés « Récifs coralliens et écosystèmes associés (RCEA)), dans un état de conservation unique à l’échelle régionale. Les récifs coralliens des îles Eparses sont considérés comme des sites de référence au niveau mondial et permettent de projeter l’intégration de plusieurs réseaux d’observation à l’échelle régionale voir internationale. Ces récifs sont l’élément principal structurant les paysages sous-marins des îles Eparses et lieu concentrateur de biodiversité avec près de 750km2 de surface récifale, soit 70% de la surface des récifs hébergés par les territoires français de l’océan Indien.
Ils concentrent une biodiversité marine exceptionnelle et une richesse spécifique particulièrement importante dont de nombreuses espèces menacées au niveau mondial et/ou bénéficiant de mesures de protection au titre de diverses conventions et traités (Convention de Bonn CMS, Convention de Washington CITES, Convention de Nairobi). C’est notamment le cas du poisson Napoléon (Cheilinus undulatus), de la tortue imbriquée (Eracthmochelys imbricata) ainsi que de plusieurs espèces d’élasmobranches et d’holothuries. A plusieurs jours de navigation de n’importe quel port et sans résidents permanents, les îles Eparses sont faiblement anthropisées. Ainsi elles sont un véritable laboratoire à ciel ouvert pour étudier les effets des variations climatiques et de leurs impacts directs sur les écosystèmes marins et insulaires du sud-ouest de l’océan Indien en s’affranchissant du biais causé par les effets des impacts des activités humaines. Elles représentent ainsi des sites de référence précieux pour la communauté scientifique qui s’intéresse plus globalement à l’évolution du climat, de la biodiversité et aux conséquences des changements globaux dans cette région du monde.
Cependant l’écosystème corallien mondial est aujourd’hui menacé à la fois par des atteintes locales, comme la pêche illégale, et depuis les années 1980, par des atteintes globales telles que le réchauffement global, l’acidification des océans ou encore la montée du niveau des mers. Ainsi, le Global Coral Reef Monitoring Network (GCRMN) estime que 19 % des récifs sont actuellement détruits, 15 % sont sérieusement endommagés et risquent de disparaître d’ici une dizaine d’années et 20 % risquent de disparaître dans moins de 40 ans. Parmi les événements globaux qui affectent les récifs, le premier, et le plus important à l’heure actuelle (de nature physique), est l’augmentation de la température des eaux de surface qui provoque un phénomène à grande échelle appelé blanchissement des coraux ou « bleaching ».
Les îles Eparses malgré leur éloignement n’ont pas été épargnées puisque trois épisodes significatifs de blanchissement ont été recensés dans les îles Eparses, en 1998, 2010 et 2016 (Nicet et al., 2016). Début 2024 l’agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (National Oceanic and Atmospheric Administration ou NOAA) et le réseau mondial de scientifiques experts des récifs coralliens de l’Initiative internationale pour les récifs coralliens (International Coral Reef Initiative, ou ICRI) alertaient sur le quatrième épisode mondial de blanchissement des coraux. Or les travaux de Chabanet et al. (2017), menés dans le cadre du 10e FED régional océan Indien, ont permis de mettre en évidence le rôle des récifs coralliens des îles Eparses, positionnés au centre du Canal du Mozambique, qui agissent comme des passerelles au sein d’un réseau d’espaces connectés. Ainsi les récifs coralliens des îles Eparses sont à l’origine de la dispersion de larves de nombreux organismes et notamment à l’origine de larves coralliennes.