Les Terres et mers australes françaises, Crozet, Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam, inscrites sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, sont les plus vastes des rares terres émergées du sud de l’océan Indien. Éloignées des centres d’activité humaine, elles sont restées des sanctuaires de biodiversité. Elles abritent l’une des plus fortes concentrations et diversités d’oiseaux marins au monde, ainsi que l’une des plus importantes populations de mammifères marins. Leurs eaux très productives forment une « oasis » nourricière pour ces espèces. Cette nature sauvage et foisonnante au sein de paysages volcaniques grandioses forge le caractère exceptionnel du bien. L’immensité de ces territoires et leur classement en réserve naturelle nationale assurent le maintien à long terme de ces espèces et la protection de ce patrimoine naturel unique.
L’archipel Crozet
L’archipel Crozet (340 km2) est composé de cinq îles volcaniques. La plus élevée culmine à 1 050 m. Le climat est typique de la zone subantarctique, particulièrement venteux et pluvieux, avec une température moyenne de l’air de 5°C et une eau à 4°C. L’archipel se situe entre les latitudes 45° 95’ et 46° 50’ Sud et les longitudes 50° 33’ et 52° 58’ Est, dans le sud de l’océan Indien entre Madagascar et l’Antarctique. Il est divisé en deux groupes distants d’environ 110 km. Le groupe occidental comprend les Cochons, les Apôtres et les Pingouins appelé îles Froides par Marc-Joseph Marion du Fresne qui les découvrit en 1772. Le groupe oriental comprend l’île de la Possession et l’île de l’Est.
Histoire de l’archipel Crozet
Découverte et souveraineté de l’archipel
Les îles Crozet furent découvertes par l’expédition de l’explorateur français Marc-Joseph Marion du Fresne (surnommé Marion Dufresne) qui fit débarquer son second, Julien Crozet, sur l’île de la Possession le 24 janvier 1772. Crozet prit alors possession de l’archipel au nom de la France. Le capitaine britannique James Cook nomma ces îles d’après Julien Crozet, ayant également donné le nom de Marion-Dufresne à l’île Marion voisine de celle du Prince-Edouard . Ces deux dernières îles sont administrées par l’Afrique du Sud.
Après 1923 et l’affirmation de sa souveraineté, la France administre les îles Crozet comme une dépendance de Madagascar. Elles deviennent un district des Terres australes et antarctiques françaises en 1955 lors de la création du Territoire. En 1961, une première mission a lieu sur l’île de la Possession. En 1964, la base permanente est construite au-dessus du site de Port-Alfred, elle reçoit en 1969 le nom d’Alfred Faure, un ingénieur des travaux météorologiques, pionnier passionné des TAAF et organisateur de la base. Premier chef de ce district, il était affectueusement surnommé « homo antarcticus ».
Géologie
Les îles Crozet représentent les points émergés d’un vaste plateau sous-marin (différent de celui de l’archipel des Kerguelen). Elles sont entièrement d’origine volcanique, principalement formées de basalte (roche volcanique refroidie en surface), mais on retrouve quelques dépôts sédimentaires également (île des Pingouins). Elles sont des restes de sommet de volcans, dont les flans se sont effondrés en mer, créant ces paysages et morphologies chaotiques. Les datations ont donné des âges les plus anciens à 8 millions d’années pour cet archipel. Les unités volcaniques les plus récentes sont âgées d’environ 100 000 ans.
Climat
Les variations de températures sont généralement faibles. La température moyenne annuelle est d’environ 5°C et les extrêmes enregistrés sont – 5,4°C et + 23,1°C. Le régime des vents, de secteur ouest dominant, est assez violent. Le vent souffle avec des rafales supérieures à 100 km/h 120 jours par an en moyenne. Des pointes à plus de 180 km/h sont régulièrement enregistrées. Il pleut beaucoup et de manière répartie sur toute l’année : environ 2500 mm/an. Il peut neiger à chaque période de l’année mais la neige ne reste jamais longtemps au sol.
Faune et Flore
Les îles Crozet abritent quatre espèces de manchots, surtout des gorfous dorés (4 millions d’individus, également appelés gorfous macaronis) et des manchots royaux. Le gorfou sauteur et le manchot papou sont aussi représentés.
Parmi les animaux vivant sur les îles Crozet, on trouve d’autres oiseaux marins : pétrels (pétrels géants, pétrels à menton blanc, petits pétrels), albatros (albatros hurleurs, albatros à tête grise, albatros à sourcils noirs, albatros à bec jaune, albatros fuligineux), skuas, goélands dominicains, et des mammifères marins : otaries, éléphants de mer, orques.
Parmi les végétaux emblématiques de l’île, on peut citer le chou de Kerguelen et l’azorelle.
Les îles Kerguelen
L’archipel, d’une superficie d’environ 7 215 km2, est constitué d’une île principale, Grande Terre, entourée de plus de 300 îles et îlots satellites, pour la plupart très proches de l’île principale. Les côtes sont dans leur ensemble extrêmement découpées avec quelques grands golfes et de nombreuses baies secondaires ainsi que de longs fjords. Le point culminant est le Mont Ross (1 850 m). Grande Terre est couverte, à l’ouest, par la calotte glaciaire Cook.
Les îles Kerguelen forment la partie émergée d’un immense plateau volcanique sous-marin baptisé plateau Kerguelen-Heard. L’archipel a commencé à émerger il y a environ 40 millions d’années, ce qui en fait l’île la plus âgée des TAAF.
Histoire des îles Kerguelen
Découverte et souveraineté des îles
L’archipel fut découvert le dimanche 12 février 1772 par le navigateur français Yves Joseph Kerguelen de Trémarec, et 4 ans plus tard redécouvert par James Cook. En 1893, l’aviso français Eure prend officiellement possession des îles Kerguelen au nom de la France. La même année, le gouvernement concède aux frères Henry et René-Émile Bossière l’exploitation de Kerguelen pour cinquante ans.
En 1908-1909 (à bord du J-B.-Charcot) puis en 1913-1914 (avec la Curieuse), Raymond Rallier du Baty et son frère Henri explorent les rivages, les baies et les terres de l’archipel.
Le géologue Edgar Aubert de la Rüe, assisté par son épouse Andrée, entreprend l’étude géologique et géographique de l’archipel lors de quatre campagnes (1928-1929, 1931, 1949-1950, 1952). La station permanente de Port-aux-Français a été créée en 1950.
Climat
Le climat des Kerguelen est océanique, froid et extrêmement venteux. La température moyenne annuelle y est de 4,5°C avec une amplitude faible d’environ 6°C, les mois les plus chauds étant ceux de janvier et février avec une moyenne de 7,9°C et le mois le plus froid celui d’août avec 2°C seulement. Les maxima absolus relevés dépassent rarement les 20°C, tandis qu’à l’autre extrême aucune température inférieure à -10°C au niveau de la mer n’a été constatée.
Les précipitations sont fréquentes, et peuvent se produire sous forme de pluie comme de neige, tout au long de l’année. La pluviométrie annuelle moyenne à Port-aux-Français est cependant modeste et n’atteint que 820 mm, mais sur la côte ouest, à l’opposé, on estime qu’il tomberait trois fois plus d’eau.
Les montagnes sont donc fréquemment couvertes de neige mais peuvent s’en dégarnir rapidement et fortement avec la pluie. Il existe plusieurs glaciers permanents marqués depuis plusieurs décennies par un net recul, et pour les plus petits d’entre eux par une disparition complète.
Le vent d’ouest souffle quasi continuellement à une moyenne de 35km/h, l’archipel se trouvant dans les « cinquantièmes hurlants ». Les vents de 150 km/h sont courants et atteignent parfois 200 km/h. Des hauteurs de houle de 12 à 15m sont courantes, mais l’archipel offre aux bateaux de nombreux abris bien protégés.
Faune et flore
Situées à la convergence antarctique où le mélange des eaux froides de l’Antarctique et des eaux plus chaudes de l’océan Indien stimule la production des chaînes alimentaires, les îles Kerguelen constituent un lieu privilégié de rassemblement de nombreux animaux océaniques, en particulier de ceux qui ont besoin de la terre ferme pour se reproduire. On trouve ainsi sur le littoral d’impressionnantes colonies de reproduction d’éléphants de mer, de manchots royaux, de diverses espèces d’albatros ou de gorfous.
Les eaux environnantes sont caractérisées par la dominance de la légine. Les écosystèmes originaux ont cependant été profondément modifiés d’une part par la surexploitation des ressources (chasse baleinière et phoquière tout au long du XIXe siècle, pêche industrielle à la fin du XXe siècle) et d’autre part par l’introduction volontaire ou involontaire d’animaux exogènes qui se sont acclimatés : lapins, chats, rats, rennes, truites, etc.
La végétation terrestre est assez maigre, formant près du littoral des paysages de toundra, mais se réduisant le plus souvent, dès que la pauvreté du sol s’accentue ou que la rudesse du climat augmente avec l’altitude, à des touffes éparses au milieu d’étendues minérales ou à de discrètes colonies de lichens. On trouve une espèce caractéristique : le chou de Kerguelen (Pringlea antiscorbutica). La végétation marine est en revanche très exubérante, marquée par la présence de vastes forêts sous-marines de Macrocystis ou par une frange côtière de Durvilléas.
Les îles Saint-Paul et Amsterdam
Le district de Saint-Paul et Amsterdam est situé dans sud de l’océan Indien, il est composé de deux îles distantes d’environ 85 kilomètres :
- L’île Saint-Paul (38°43’S et 77°31’E)
- L’île d’Amsterdam (37°50’S et 77°31E), quelquefois appelée île de la Nouvelle-Amsterdam.
Les îles Saint-Paul et Amsterdam bénéficient d’un climat océanique marqué par l’absence de neige et de gelée en hiver, et la présence d’un vent constant de secteur ouest.
Les îles Saint-Paul et Amsterdam sont les îles les plus « récentes » des Terres australes françaises. Elles sont toutes les deux d’origines volcaniques et représentent chacune le sommet émergé d’un volcan. Leur émersion date d’environ 100 000 ans. Les coulées les plus récentes sont situées sur l’île Amsterdam et auraient une dizaine de milliers d’années.
La crique de l’île Saint-Paul s’est formée suite à l’effondrement d’une partie nord de l’édifice volcanique, provoqué par l’activité d’une grande faille (de direction nord ouest, sud est) qui marque aujourd’hui le paysage.
Histoire du district Saint-Paul et Amsterdam
Découverte du district
Amsterdam, dont la France a définitivement pris possession en 1892, doit son nom au navigateur hollandais Van Diemen qui donna à l’île le nom de son bateau,le Nieuv Amsterdam, en 1633. D’une superficie de 58 km², l’île d’Amsterdam, massive, ceinturée de falaises abruptes, abrite depuis 1950 la base permanente Martin-de-Viviès où hiverne environ une vingtaine de personnes. Amsterdam est le sommet émergé d’un volcan marin, dont une partie s’est effondrée, laissant une falaise abrupte de 700 m de haut. La pointe d’Entrecasteaux qui tire son nom d’Antoine Bruni d’Entrecasteaux, envoyé à la recherche de La Pérouse avec les navires La Recherche et L’Espérance, est le lieu privilégié d’observation des albatros à bec jaune et fuligineux qui nichent dans la falaise.
L’occupation du district Saint-Paul et Amsterdam
Par contre à Saint-Paul il n’y a aucune présence humaine permanente, et l’île n’est visitée que lors de brèves expéditions scientifiques. Entre 1850 et 1930, des tentatives d’implantation de pêcheries et de conserveries ont eu lieu, essentiellement pour l’exploitation de la langouste, très abondante sur ces côtes. Mais elles se sont soldées par des échecs du fait de l’isolement, du manque de ressources et d’abris. La dernière tentative se finissant même en tragédie connue en France sous le nom des « Oubliés de Saint-Paul« , avec la mort de dizaines de colons. En dehors des missions scientifiques, l’accès sur l’île est désormais interdit pour raisons environnementales.
Faune et flore
L’écosystème a été fortement perturbé par l’activité humaine depuis la découverte de l’île (chasse, déboisement), et par l’introduction volontaire ou accidentelle d’espèces exogènes. La végétation naturelle est de type herbeux, plus ou moins dense. L’île d’Amsterdam est la seule île des TAAF où l’on trouve une espèce d’arbre, le Phylica arborea, plus présent sur le versant Est de l’île.
Au milieu des années 1980, il ne restait que quelques arbres résiduels, à 250 m d’altitude, là où la pression de pâturage est restée moindre. Un programme de restauration a permis la plantation de 7 000 arbres, issus de graines produits par les phylicas restants.
On y trouve la faune habituelle des îles subantarctiques de l’océan Indien. De nombreux oiseaux marins (l’albatros à bec jaune, l’albatros fuligineux à dos sombre, le gorfou sauteur subtropical, le skua subantarctique, la sterne subantarctique) viennent nicher dont en particulier une espèce endémique d’albatros, l’albatros d’Amsterdam (Diomedea amsterdamensis) qui ne niche que sur cette île.
On trouve des mammifères marins, avec une population importante d’otaries (Arctocephalus tropicalis) et d’éléphants de mer qui viennent sur les côtes de l’île pour s’y reproduire. L’hiver, les eaux peuvent être fréquentées par des léopards de mer, une espèce de phoques que l’on trouve davantage en Antarctique et dans les îles plus australes. L’été, il est possible d’observer des orques.
Plusieurs centaines de vaches sauvages y vivaient également, descendantes d’un élevage tenté par le réunionnais Heurtin au XIXe siècle. Les bovins furent abandonnés sur l’île après le départ de ce dernier et se reproduisirent jusqu’à gravement modifier l’équilibre naturel et provoquer une quasi disparition de l’unique espèce d’arbre. Depuis la campagne de réduction menée par la collectivité, il n’y a plus de bovins sur l’île.
D’autres espèces exogènes sont arrivées sur l’île. Descendus des bateaux de pêche au XVIIIe siècle et au XIXe siècle, les rats furent à leur tour combattus par l’introduction de chats, qui depuis sont revenus à l’état sauvage.
À Saint-Paul, les eaux environnantes sont riches en poissons et en langouste (Jasus paulensis). Chaque année, le préfet administrateur supérieur des TAAF publie un arrêté indiquant zones de pêches, type et quotas de prise dans les eaux territoriales et la zone économique exclusive des îles Saint-Paul et Amsterdam.
On retrouve la faune habituelle des îles subantarctiques. Une population importante d’otaries (Arctocephalus tropicalis) fréquente les côtes et s’y reproduit. De nombreux oiseaux marins viennent également nicher à terre.
L’introduction de lapins mais surtout de rats, probablement arrivés avec les premiers bateaux de pêche au XVIIIe ou au XIXe siècle, a gravement déstabilisé l’écosystème, réduisant considérablement la nidification d’oiseaux. La population de rats à la fin des années 1990 était estimée entre 50 000 et 100 000 individus. Seul un gros rocher, « La quille », séparé de l’île par un bras de mer, était épargné. L’île a entièrement été dératisée en 1999. Depuis, la population d’oiseaux s’est progressivement reconstituée.
Recherche scientifique
L’idée d’installation d’une base scientifique remonte à l’immédiat après-Seconde Guerre mondiale, cette dernière ayant montré la nécessité de connaître la météo dans cette région du monde. En décembre 1949, Martin de Viviès installe une base météo qui va s’élargir à d’autres recherches scientifiques et qui porte désormais son nom. La base sera reconstruite entre la fin des années 50 et le début des années 60. L’isolement et l’éloignement de toute activité humaine en font une des deux seules bases mondiales pour la mesure de la pollution de fond de l’atmosphère.
Préservation de la réserve naturelle
Afin de préserver ce patrimoine naturel terrestre et marin, les îles Crozet, Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam, et une partie de leur zone économique exclusive (ZEE) sont classées en réserve naturelle nationale par décret interministériel de 2006. La gouvernance et la réglementation environnementale de la réserve sont étendues par un arrêté des TAAF à l’ensemble des ZEE.
Présentation des territoires